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Moké Utex Africa Oye (1989) Oil on canvas |
« Utex Africa » c’est la concession d’habitations
dans laquelle nous résidons mais c’est d’abord
une histoire industrielle qui
commence bien et se termine mal. Alors pour comprendre pourquoi cette concession de logements locatifs très
prisés dans le quartier de Gombé, l’ex ville blanche coloniale à Kinshasa, occupe les terrains et les bâtiments
de ce qui fut l’un des fleurons de l’industrie textile du pays
il faut s’intéresser aux déboires de la
filière coton en RDC.
Si à la veille de l’indépendance le Congo était le
premier producteur de coton en Afrique, la
production n’a ensuite cessé de décliner et ce de manière brutale passant de 180,000 tonnes en 1959 à 11,000
tonnes en 1989 jusqu'à s’effondrer à 800 tonnes au cours de la campagne de 2006.
L’atrophie progressive de la
production cotonnière due aux désordres politiques qui secouent le pays est visible
sur les deux cartes de 1960 et 2005 ci- dessous :
Source: CECI et FIGEPAR, Etude de la filière coton en RDC, mai 2007
Face à la raréfaction de la matière première locale,
les industries textiles congolaises n’ont alors eu d’autres recours que
d’importer le coton renchérissant leur
production et affaiblissant du même coup leur compétitivité jusqu’au coup de
grâce : la
fermeture de la dernière
usine textile du pays, le site de Congotex- anciennement Utex Africa- en
2007. Et c’est une déflagration, voilà ce
qu’en dit la presse de l’époque :
Congo-Kinshasa : La dernière usine textile
ferme ses portes, Les congolaises désormais en pagne d'Asie (Par Ben-Clet, 13 Décembre 2007)
‹‹ Kinshasa —
Citadine ou rurale, la femme congolaise est désormais privée du pagne wax ou
fancy estampillés «Made in DR of Congo». La crise multiforme qui, au fil des
années, a terrassé l'industrie textile locale vient d'aboutir à la disparition
de ses derniers fleurons, à savoir : Congotex à Kinshasa, Sintexkin à
Lubumbashi. Laissant trop peu d'espoir de relance à la Sotexki de Kisangani.
Incursion dans un secteur qui ouvre les frontières du pays aux importations des
textiles asiatiques de contrefaçon. Un désastre en perspective. De cinq unités
en service au début de la décennie '70, l'industrie textile congolaise a payé
le plus lourd tribut à une conjonction de plusieurs facteurs : manque de
compétitivité, inaccessibilité au crédit, essor fulgurant des importations
frauduleuses, développement du secteur informel et amenuisement du pouvoir
d'achat des consommateurs. Fin 2007, plus aucune usine textile n'existe sur un
territoire de près de 60 millions d'habitants. La chute a été irrémédiable et
la reprise paraît hypothétique.››
Se retrouveront sur le carreau 1200 employés et les
bâtiments d’usine seront transférés à la compagnie IMMOTEX, une société
immobilière appartenant aux mêmes actionnaires TEXAF et CHA textiles (certains
n’ont donc pas tout perdu dans l’histoire…). C’est quand même dommage, moi qui
A-D-O-R-E les tissus africains, cela m’aurait ravie au plus haut point de connaitre
les pagnes Utex made in Congo, certains
doivent bien circuler encore dans les rues kinoises, il va falloir ouvrir l’œil !
Aujourd'hui, l'ancien
site industriel est occupé par la MONUSCO (la Mission des Nations Unies de
maintien de la paix en RDC) et les bâtiments d’usine réhabilités servent d’écrin
aux locaux de l’UNICEF, aux bureaux de la coopération technique allemande (GIZ)
à un espace culturel étonnant (Bilembo, j’en reparlerai quand il ouvrira ses
portes début novembre) et même à de futurs appartements dans un style loft que
ne renieraient pas les bobos des grandes villes européennes.
Quant à la concession d'habitations elle a vu son parc immobilier se diversifier avec
différents types de maison et résidences plus ou moins cossues et se verticaliser
avec un ensemble d’immeubles modernes de trois étages qui portent, étrangement
en ces terres musicales de renom, les noms d’illustres compositeurs classiques :
Mozart, Beethoven, Vivaldi, etc. Le nôtre
c’est Chopin, je vous en glisse quelques photos dans un prochain billet.