9 octobre 2013

UTEX Africa

 Moké Utex Africa Oye (1989) Oil on canvas
« Utex Africa » c’est la concession d’habitations dans laquelle nous résidons  mais c’est d’abord une histoire industrielle qui commence bien et se termine mal. Alors pour comprendre pourquoi  cette concession de logements locatifs très prisés dans le quartier de Gombé, l’ex ville blanche coloniale à  Kinshasa, occupe les terrains et les bâtiments  de ce qui fut l’un des fleurons de l’industrie textile du pays il faut s’intéresser aux déboires de la filière coton en RDC.


Si à la veille de l’indépendance le Congo était le premier producteur de coton en Afrique,  la production n’a ensuite cessé de décliner et ce de manière brutale  passant de 180,000 tonnes en 1959 à 11,000 tonnes en 1989 jusqu'à s’effondrer à 800 tonnes au cours de la campagne de 2006. L’atrophie progressive de la production cotonnière due aux désordres politiques qui secouent le pays est visible sur les deux cartes de 1960 et 2005 ci- dessous :


                           
Source: CECI et FIGEPAR, Etude de la filière coton en RDC,  mai 2007

Face à la raréfaction de la matière première locale, les industries textiles congolaises n’ont alors eu d’autres recours que d’importer le coton renchérissant leur production et affaiblissant du même coup leur compétitivité jusqu’au coup de grâce : la fermeture de la dernière usine textile du pays, le site de Congotex- anciennement Utex Africa- en 2007.  Et c’est une déflagration, voilà ce qu’en dit la presse de l’époque :

Congo-Kinshasa : La dernière usine textile ferme ses portes, Les congolaises désormais en pagne d'Asie (Par Ben-Clet, 13 Décembre 2007)

‹‹ Kinshasa — Citadine ou rurale, la femme congolaise est désormais privée du pagne wax ou fancy estampillés «Made in DR of Congo». La crise multiforme qui, au fil des années, a terrassé l'industrie textile locale vient d'aboutir à la disparition de ses derniers fleurons, à savoir : Congotex à Kinshasa, Sintexkin à Lubumbashi. Laissant trop peu d'espoir de relance à la Sotexki de Kisangani. Incursion dans un secteur qui ouvre les frontières du pays aux importations des textiles asiatiques de contrefaçon. Un désastre en perspective. De cinq unités en service au début de la décennie '70, l'industrie textile congolaise a payé le plus lourd tribut à une conjonction de plusieurs facteurs : manque de compétitivité, inaccessibilité au crédit, essor fulgurant des importations frauduleuses, développement du secteur informel et amenuisement du pouvoir d'achat des consommateurs. Fin 2007, plus aucune usine textile n'existe sur un territoire de près de 60 millions d'habitants. La chute a été irrémédiable et la reprise paraît hypothétique.››


Se retrouveront sur le carreau 1200 employés et les bâtiments d’usine seront transférés à la compagnie IMMOTEX, une société immobilière appartenant aux mêmes actionnaires TEXAF et CHA textiles (certains n’ont donc pas tout perdu dans l’histoire…). C’est quand même dommage, moi qui A-D-O-R-E les tissus africains, cela m’aurait ravie au plus haut point de connaitre les pagnes Utex made in Congo, certains doivent bien circuler encore dans les rues kinoises, il va falloir ouvrir l’œil !


Aujourd'hui, l'ancien site industriel est occupé par la MONUSCO (la Mission des Nations Unies de maintien de la paix en RDC) et les bâtiments d’usine réhabilités servent d’écrin aux locaux de l’UNICEF, aux bureaux de la coopération technique allemande (GIZ) à un espace culturel étonnant (Bilembo, j’en reparlerai quand il ouvrira ses portes début novembre) et même à de futurs appartements dans un style loft que ne renieraient pas les bobos des grandes villes européennes.

Quant à la concession d'habitations elle a vu son parc immobilier se diversifier avec différents types de maison et résidences plus ou moins cossues et se verticaliser avec un ensemble d’immeubles modernes de trois étages qui portent, étrangement en ces terres musicales de renom, les noms d’illustres compositeurs classiques : Mozart, Beethoven, Vivaldi, etc.  Le nôtre c’est Chopin, je vous en glisse quelques photos dans un prochain billet.


6 commentaires:

  1. Triste histoire! J'en déduis que les soit disant wax africains du Chatuchak Market proviennent, tout comme les imprimés pivoines, de la Chine voisine...

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    1. Mboté Michela, en fait les "super wax" proviennent de Hollande qui est le pays fabricant de pagnes par excellence; sinon sur le continent noir la Côte d'Ivoire reste un important producteur avec ses pagnes "fancy" et sa marque de renom "woodin"; mais je ne doute pas que la Chine ait trouvé les moyens de produire également des pagnes....

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  2. Et oui, dure dure le pays de mes aïeux. C'est plutôt agaçant, de devoir s'adresser à des producteurs externes, pour avoir même des tissus, et créer ses propres pagnes.

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  3. Et oui, dure dure le pays de mes aïeux. C'est plutôt agaçant, de devoir s'adresser à des producteurs externes, pour avoir même des tissus, et créer ses propres pagnes.

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  4. Bonjour, j'aimerais avoir votre plaquette commerciale sur vos produits....

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